19-07-2025
Pourquoi les jeunes britanniques vont-ils obtenir le droit de vote ?
Le Royaume-Uni a annoncé qu'il allait abaisser l'âge légal pour voter à 16 ans. L'idée a longtemps eu ses partisans… et ses opposants. Quels sont leurs arguments ?
Promesse électorale
C'était l'une des promesses électorales du premier ministre britannique, Keir Starmer : abaisser l'âge du droit de vote, présentement fixé à 18 ans. Jeudi, son parti a annoncé qu'il allait permettre aux jeunes de 16 et 17 ans de voter dès les prochaines élections nationales. « Les jeunes contribuent déjà à la société en travaillant, en payant des impôts et en servant dans l'armée. Il est normal qu'ils puissent s'exprimer sur les questions qui les concernent », a déclaré jeudi la vice-première ministre britannique, Angela Rayner. En Grande-Bretagne, il est possible d'entrer dans l'armée à 16 ans (c'est 17 ans au Canada).
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Le premier ministre britannique, Keir Starmer
Le changement, qui doit encore être approuvé par le Parlement, fait partie d'une vaste réforme visant à augmenter la participation électorale au Royaume-Uni. Par exemple, le gouvernement souhaite permettre aux électeurs de voter en présentant une carte de crédit britannique comme pièce d'identité.
Loin d'être la norme
À ce jour, seule une poignée de pays autorisent les jeunes de 16 et 17 ans à voter, notamment le Brésil, l'Autriche et l'Argentine. Dans certains pays, comme la Belgique et l'Allemagne, il leur est permis de voter aux élections locales ou régionales, mais pas nationales. C'est aussi le cas en Écosse et au Pays de Galles, mais pas en Irlande du Nord ni en Angleterre – les quatre entités du Royaume-Uni. À peu près partout ailleurs dans le monde, il faut avoir 18 ans pour exercer son droit de vote. Mais cela n'a pas toujours été le cas. Pendant longtemps, l'âge légal pour voter a été de 21 ans, y compris au Canada. C'est seulement vers la fin des années 1960 que les gouvernements ont commencé à abaisser l'âge du droit de vote, relate Valere Gaspard, chercheur au Leadership and Democracy Lab de l'Université Western et de l'Université Trent. « La logique était que si l'individu pouvait être dans l'armée, il devrait avoir le droit de voter », explique-t-il.
Pour ou contre
Le débat sur l'âge du droit de vote ne date pas d'hier, rappelle Valere Gaspard. « Ce qui est intéressant, c'est que les arguments sont très arbitraires », note-t-il. Pour les uns, les jeunes sont assez matures à 16 ans pour voter. Pour les autres, non. De manière générale, ceux qui se positionnent en faveur de l'abaissement de l'âge du droit de vote font valoir que les jeunes sont des membres actifs de la société. S'ils travaillent et paient des impôts, ils devraient avoir leur mot à dire sur leur avenir, d'autant plus que les décisions politiques ont souvent des répercussions à long terme. Selon eux, permettre aux jeunes de voter les motiverait à s'intéresser et à participer davantage à la vie politique.
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Un panneau indiquant la localisation d'un bureau de vote à Londres lors de la dernière élection générale tenue en juillet 2024
À l'inverse, certains arguent que les jeunes peuvent participer au système démocratique sans avoir à voter, par exemple en adhérant à un parti politique. De plus, ils craignent que réduire l'âge du droit de vote entraîne une baisse du taux de participation électorale. En effet, le phénomène a été observé lorsque des pays ont abaissé l'âge de 21 ans à 18 ans, relate M. Gaspard. En élargissant leur bassin d'électeurs admissibles, leur taux de participation avait diminué, les jeunes ayant moins tendance à voter que les électeurs plus âgés. « Certains pourraient faire valoir qu'un faible taux de participation électorale pourrait affaiblir le mandat des élus », explique le chercheur.
Un impact incertain
Le Royaume-Uni compte environ 1,6 million de jeunes de 16 et 17 ans sur une population totale de 66 millions d'habitants. Pourrait-on voir une différence dans le résultat des prochaines élections, sachant que les jeunes ont historiquement tendance à voter plus à gauche que le reste de la population ? Pas nécessairement, répond Valere Gaspard. À sa connaissance, il n'existe pas de données qui confirment ou infirment cette hypothèse. En outre, de plus en plus d'études pointent vers le fait que les jeunes se positionnent plus à droite qu'autrefois. « On ne sait pas comment les résultats vont être impactés », résume-t-il.
Et au Canada ?
À Ottawa, la question semble essentiellement tranchée. Si quelques élus prônent encore un tel changement, « ce n'est pas un enjeu numéro un pour le gouvernement », remarque M. Gaspard. Cela dit, l'idée fait actuellement débat en Colombie-Britannique. Créé en avril dernier, un comité spécial dont le mandat est de travailler sur une réforme électorale pourrait se pencher sur cette question. « Quand un changement s'est passé, la plupart du temps, c'est parce que la majorité du public était d'accord », rappelle Valere Gaspard.